Découverte de la philosophie
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Le bonheur

Introduction

1. Occident

2. Orient

Introduction

Le bonheur est, au sens étymologique, ce qui arrive de "bon", c'est-à-dire un état durable de satisfaction avec l'idée d'une durée éternelle. Le bonheur est un enjeu capital de l'existence, mais il représente plus un idéal qu'une réalité. La quête du bonheur est souvent le moteur de la vie. Soit nous le considérons comme définitivement perdu (mythe de "l'âge d'or") soit comme un état parfait à atteindre dans le futur, espérance,  (utopie).

Nous avions déjà vu, dans le cours sur la Genèse, la distinction à faire entre le bien et le bon. "C'est bon" est une expression, une manifestation d'un état de plaisir, de joie, d'euphorie, d'élation, d'un sentiment de plénitude. La création est constamment jugée "bonne" par Dieu. La création est offerte à l'homme pour une jouissance joyeuse et innocente, pour son bonheur. 

Au contraire, "C'est bien !"  est un jugement de l'esprit par rapport à des valeurs, une morale, des normes, règlements, lois..., le devoir accompli, la conformité aux exigences d'une société. Il correspond à l'obligation et à l'effort de réaliser un idéal de perfection. Implique le rejet et le refus du mal, donc une tension, une sorte de raidissement.
Rappelez-vous que pour rester dans le monde du bonheur, le "paradis", il ne fallait pas toucher à l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et que c'est cette transgression qui nous aurait conduits dans le malheur. A ce premier niveau, nous constatons qu'il est difficile de séparer le bonheur du malheur.

Le premier problème qui se pose est de savoir d'où vient notre conception du bonheur. Vient-elle de la nostalgie d'un BONHEUR réellement perdu (qui pourrait être, pour PLATON une réminiscence du séjour de notre esprit dans le monde intelligible ou encore pour FREUD, le souvenir inconscient de notre état de bien-être durant le temps de notre vie fœtale) ?. Ou bien est-elle le produit d'un fantasme, c'est-à-dire d'un scénario imaginaire construit à partir de notre expérience de la souffrance, comme un univers opposé, mais symétrique à celui de la souffrance, représentant sa négation pure ? 

Ce qu'il nous "arrive" de bon, doit-on l'attendre de l'extérieur ou aller le chercher à l'intérieur de notre être ? Faut-il concevoir le bonheur sous le mode de l'avoir (accumulation de richesses et satisfaction de tous les désirs) ou sous le mode de l'être (sagesse ou fusion avec le divin) ? Ou bien encore, le bonheur est-il le résultat de l'extinction du double désir de possession et d'existence (Notion orientale de NIRVANA).

La notion de bonheur est donc polysémique (= plusieurs sens).

Les termes qui signifient les différents états de bonheur sont nombreux :
"Plaisir, satisfaction, bien-être, contentement, fortune, prospérité, joie, exaltation, félicité, béatitude, ravissement, allégresse, jubilation, exultation, extase, euphorie, enchantement… ."

SPINOZA décrit le bonheur comme une "augmentation d'être" , mais cette dilatation peut aussi se moduler et prendre plusieurs couleurs…

1. Occident

A. Judéo-christianisme.
Idée d'un bonheur originel perdu. D'un "âge d'or" vécu par les premiers hommes dans le jardin de l'Eden, ou "paradis terrestre". Cette conception du bonheur est très intéressante parce qu'elle contient en germe presque toutes les autres conceptions du bonheur. L'on peut, en effet distinguer au moins sept niveaux de bien-être, donc sept types de bonheur. La tradition judéo-chrétienne conçoit le bonheur comme une forme d'équilibre entre tous ces bonheurs.

1. Plan matériel. Satisfaction de tous les besoins :  boisson (eau : 4 fleuves), nourriture (fruits, céréales), sommeil (nuit et jour), repos le 7ème jour. - sexualité : homme/femme, "soyez féconds".- jeunesse, santé, vie, immortalité  (arbre de vie).  Pas de souffrance, de manque, de famine,  de misère, de fatigue, de maladie, de vieillesse, pas  de travail, pas de naissance douloureuse, pas d'épines ni de ronces. Ni les hommes, ni les bêtes, ni  la nature, ne blessent l'homme.

2.  Plan affectif. Sécurité affective et protection à quatre niveaux. Homme/Femme "entourés"

i) par les 4 fleuves (cf. l'amnios maternel).

ii) Père au-dessus.

iii)  H/F côte à côte, même chair, aide l'un pour l'autre.

iv) Animaux au-dessous, aides eux aussi, pacifiques puisqu'ils ne mangent que de l'herbe, et même pas concurrents puisque les hommes eux, se nourrissent de fruits et de céréales. Donc, hiérarchie harmonieuse, paisible et sécurisante, monde clos. Les limites sont positives sans être une prison. Pas de solitude, ni de haine, ni de rivalité, ni de regret, ni de peur…

3.  Plan esthétique. Tout est "beau à voir" ou "bon à manger". Plaisir du goût et de la vue. Aucune laideur.

4.  Plan mental. Adam "donne des noms" aux choses. Il a une fonction de législateur du langage, par laquelle il réalise sa ressemblance à Dieu, donc son essence divine. Cette fonction lui assure une possession mentale de l'univers. Grâce aux signes du langage "adamique", le monde devient transparent à sa pensée. L'homme est ainsi doublement "chez lui" dans l'univers. Ainsi, il ne se sent pas étranger au monde, ni aliéné, ni exilé dans un univers hostile et incompréhensible.

5.  Plan psychique.  - Nudité = simplicité, coïncidence avec soi-même, homogénéité de l'être : le corps exprime l'esprit, et inversement. Authenticité, véracité, spontanéité. Pas de dualité douloureuse, ni de clivage, ni de conflit, ni de névrose, ni de "honte".
 - Immortalité. Sérénité quiétude. Pas d'angoisse mortifère.

6.   Plan moral. - Innocence =  a) ignorance du bien et du mal, état en deçà du bien et du mal, donc coïncidence avec la vie et la création qui est "bonne", sans souci.   b) état de celui qui ne nuit pas, = légèreté de l'être, insouciance, joie immédiate troublée par rien. Pas de transgression, pas de malédiction, pas de remords, pas de culpabilité.

7.  Plan métaphysique. - Lumière et sens. L'univers baigne dans la "lumière = sens, esprit, sagesse. Le sens est immédiat et transparent. L'homme sait d'emblée qui il est, d'où il vient, pourquoi il est là, quelle est sa mission : garder, cultiver, remplir le monde Le Créateur parle et se montre. Aucune angoisse existentielle, aucune absurdité, aucune errance, pas de désespoir possible.

Cf. le tableau de synthèse qui suit :

 

 

       Bonheur

                   Malheur 

1. Physique

 

Au paradis.
Tout est donné.  Luxe.   Plaisir.
Boisson (eau) / nourriture (arbres)
sexualité H/F " ne former qu'une chair"
jeunesse/santé/immortalité (arbre de vie)

Après l'exil.
Manque (terre stérile)   Travail.   Peine.
Soif, faim, fatigue.
sexualité = domination H. sur F.
Vieillesse, maladie
Souffrance : travail, accouchement, "épines", animal. Mort naturelle et meurtre (Caïn).   Hostilité générale.
 HÛH,     HÛanimal,    HÛnature.

2. Esthétique

"arbres beaux à voir"
Fruits "bons" à manger
Univers baigné de lumière.

Terre stérile sur laquelle ne poussent que des épines.

3 . Affectif

 

Sécurité affective. H. encadré.
L'H. n'est "pas seul".
1.Dieu au-dessus = Père.
2. Femme à côté.
3.Animaux en dessous.
Hiérarchie harmonieuse.  Paix. Régimes alimentaires différents.

Insécurité.
Rupture de la communication :
1. H et F  % Dieu
2. H % F.
3. H et F % animaux (serpent)
Etat de guerre : tout de suite Caïn tue Abel.

4. Mental

H. chez lui. Prise de possession mentale de l'univers par le langage.
Grâce aux signes l'univers est transparent à l'H. Langage adamique

H. aliéné. Il a laissé parler le serpent en lui.
Après tour de Babel, le monde est devenu opaque pour la pensée. H. exilé mentalement du monde.

5.  Moral

Innocence. .
1. = Ignorance du bien et du mal.
2. = Etat de celui qui ne nuit pas.
  Spontanéité joyeuse. Légèreté de l'être. Insouciance. Liberté. Tout est "bon".

Transgression / culpabilité.
1. H. emprisonné dans le "bien et le mal" le "Tu dois", donc dans la dualité et la contrainte.
2. H. enfermé dans sa culpabilité, sa faute, son péché.
H. "maudit" par Dieu. Donc Remords.

6. Psychique

Nudité = signe d'équilibre psychique. Harmonie entre l'âme et le corps. authenticité
Véracité de l'être.
Immortalité = sérénité. Quiétude.

Honte = se cacher è Vêtements = division intérieure.
Clivage esprit/corps. Plus tard, refus du corps   engendre névrose.
Angoisse existentielle de la mort, de la finitude.

7. Méta- physique

Lumière. Tout l'univers baigne dans la lumière = dans une sorte d'intelligibilité directe. H. sait d'où il vient, qui il est.
Sens. Finalité, mission. H sait pourquoi il est là et ce que Dieu attend de lui. (Devoirs.)

Absurdité. Ce monde de l'exil est vide de Dieu. Pas de signes visibles. Silence de Dieu. Désespérance. Révolte métaphysique, nihilisme. Dimension tragique de l'existence.
Errance. H. ne sait ni d'où il vient, ni où il va ni qui il est, ni pourquoi le monde existe.  Symbole du sphinx dans le désert.

B. Philosophie grecque.

En gros, en philosophie, on peut diviser les conceptions du BONHEUR en deux catégories :

1. Les conceptions hédonistes fondées sur le plaisir du corps et la réalisation des désirs concrets

2. Les conceptions eudémonistes fondées sur le bien-être de l'esprit et supposent donc son accès au Souverain Bien.   
      
1. L'hédonisme.

On trouve surtout au niveau du sens commun cette idée que le BONHEUR serait fondé sur le plaisir au sens le plus ordinaire du terme, et donc à travers la réalisation des désirs les plus élémentaires.

a. Le Cyrénaïsme est la théorie d'Aristippe de Cyrène (IV° av. J.C. Grèce) qui pensait que le bonheur consistait à satisfaire tous ses désirs immédiatement et de manière intense, c'est-à-dire excessive. Autrement dit, pour lui, le bonheur n'est rien d'autre que le fait de profiter de la vie au maximum et dans l'instant présent.

b. L'Epicurisme. Une conception populaire et erronée de l'épicurisme le confond avec le Cyrénaïsme. En réalité, la théorie d'Epicure (341-270 av. J.C.) est beaucoup plus subtile. En effet pour Epicure, le bonheur consiste d'abord à supprimer la souffrance afin de se trouver dans un état de calme total (ataraxie = absence de troubles). Pour y parvenir Epicure explique, dans un premier temps, que toutes nos craintes liées à la peur de la mort ne sont que des superstitions sans fondement. L'âme est constituée d'atomes matériels très fins qui se désagrègent à la mort. Donc quand nous mourrons, notre âme n'est plus là pour déplorer sa propre mort ! "La mort n'est rien pour nous puisque lorsque nous existons, la mort n'est pas là et lorsque la mort est là, nous n'existons pas." Epicure.

Dans un deuxième temps Epicure explique que nos désirs sont une autre cause de grande  souffrance. La tranquillité de l'esprit peut être obtenue grâce à une savante gestion des désirs capable d'éliminer les états parasitants. Il existe trois catégories de désirs :  Les désirs "non naturels" et "non nécessaires" : l'ambition politique par exemple, ou le fait de boire un vin précieux dans une coupe en or. Il faut les éliminer. ‚ Les désirs "naturels non nécessaires" parmi lesquels l'amour. Pour leur satisfaction il faut savoir en calculer les effets et savoir y renoncer s'ils risquent d'apporter des désagréments. ƒ Enfin seuls les "désirs naturels et nécessaires" doivent être satisfaits : boire de l'eau, manger du  pain et des fruits, cultiver l'amitié et les plaisirs de l'intelligence. Finalement l'on constate que cette conception du bonheur est très ascétique !

2. L'eudémonisme

Il est préférable de chercher le bonheur dans la direction des valeurs morales sûres, du Souverain Bien ou dans la spiritualité.
Platon, Aristote, les Stoïciens, Spinoza, Kant…chacun à sa façon, placent le bonheur  dans la vertu, l'accès au divin, ou la quête du Souverain Bien.

Voir les cours sur ce sujet : Allégorie de la caverne pour Platon, fiche sur Spinoza, l'idée de "bonne volonté chez Kant et son "espérance du règne des fins"

C. Epoque moderne

1. L'utilitarisme. Stuart Mill et Bentham, Anglais du XVIII°, défendent la thèse de l'utilitarisme. Les hommes ne désirent que ce qui fait leur bonheur, la société doit chercher la prospérité générale permettant à chaque individu de réaliser ses désirs, c'est cela le fondement du lien social. Néanmoins, nous avons intérêt à être vertueux. Il convient dons de pratiquer une subtile "arithmétique des plaisirs", et de concilier nos intérêts  et nos plaisirs.

2. Freud pense que le bonheur est un compromis, difficile à atteindre, entre le "principe de plaisir" et le "principe de réalité". Voir le cours sur l'Inconscient. Freud pensait qu'une existence n'obéissant qu'au principe de plaisir conduirait nécessairement à la désagrégation des institutions donc à une destruction de la société.

3. Le bonheur dans la société contemporaine.
Notre société contemporaine est hédoniste. Elle propose, à travers les média, une sorte de devoir et de culte du bonheur. Bien vivre est préférable au bien-être. Récemment, P.Breukner a écrit un livre L'Euphorie perpétuelle, dans lequel il analyse les valeurs de l'homme contemporain, centré sur lui-même et devant donner l'image d'un être continuellement heureux. Ses désirs essentiels sont :

- 1. L'avoir. Il est attaché à l'argent. Il lui semble capital d'acheter tous les produits de consommation que la publicité commande, et de jouir publiquement de tous ces produits.

- 2. L'insouciance. Pour arriver à un bonheur plus complet et souriant, il est nécessaire de dédramatiser la mort d'où la nouvelle culture nécrologique (la mort est sympathique et douce), le nouvel art funéraire (cercueil-fusée, urne en forme de "nounours"), etc. et de dédramatiser la vieillesse. Les valeurs dominantes sont celles de la jeunesse. Les vieux imitent les jeunes. Les jeunes imitent les petits enfants.

- 3. Le sexe et la licence (le droit de tout faire). Il est nécessaire aussi de pulvériser tous les interdits, et d'afficher publiquement sa jouissance sexuelle, voire son immoralité.

- 4. Le moi. L'homme moderne veut donner de lui l'image dynamique d'un battant en bonne santé, sûr de lui, victorieux, narcissique à souhait. Il a atteint son idéal du moi, il a réussi.

 Cette apothéose de l'individualisme se traduit par le plaisir de théâtraliser sa vie, surtout si elle est médiocre, de ne parler que de soi, de se montrer, telle une œuvre d'art, dans tous ses faits  et gestes sur Internet ou à la télévision, de faire parler de soi dans tous les média. 

5. La réussite sociale et familiale qui consiste en un mimétisme de ce que la publicité propose.

4. Nietzsche, dans Ainsi parlait Zarathoustra, annonçait cette arrivée de l'homme moderne celui qu'il nomme "Le dernier homme", pour lequel plus aucune valeur n'existerait. Sa seule quête serait celle du bonheur, et il le trouverait en imitant les vaches qui ruminent.

Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec la critique nietzschéenne devant   des émissions telles que Loft story, idéal  : ne pas penser, profiter de la vie, devenir par le truchement de l'exhibitionnisme, un personnage "célèbre".

Les philosophes contemporains (Finkielkraut) soulignent le caractère absolument illusoire de ce type de bonheur. La disparition des interdits et du Surmoi est cause de sourde inquiétude, d'insomnie, de dépression, de violence explosive et finalement d'un renforcement du malaise de l'agressivité montante et de notre dépendance à la société.
 

2. Orient

a. Hindouisme

Selon les Hindouistes, il existe au cœur de l'Etre, une substance divine appelée "Brahmâ", (très voisine de ce que nous appelons Dieu), qui se manifeste sous plusieurs aspects dans le monde (d'où l'apparent polythéisme de la religion hindoue). L'idéal pour le religieux est d'atteindre la "libération" c'est-à-dire la fusion totale et définitive avec le divin grâce à un état de perfection atteint dans le monde matériel. Cette fusion est confondue avec le bonheur total.

 Pour cela, après avoir accompli tous ses devoirs envers la société, et lorsque son dernier enfant est lui-même marié, il peut s'en aller dans la forêt et consacrer tout le reste de sa vie à la méditation dans un dépouillement physique et mental extrême. S'il meurt dans cet état de perfection, alors il sort définitivement de la chaîne des réincarnations et se fond en "Brahmâ" dans un bonheur absolu.

Voici un petit conte oriental : un vieil ascète sur le point de mourir, se détourne de sa foi, manque son but et est condamné à se réincarner. (Interprétation dans HERMENEUTIQUE).

"Un vieil homme ayant accompli tous ses devoirs terrestres, s'en alla dans la forêt, décida de s'offrir à Dieu, et devint un "sannyasin". Là, dans un dépouillement extrême, des journées entières, il pratiquait la méditation, tendu vers la perfection. Soudain, il fut interrompu et distrait par une scène insolite : une biche gravide, poursuivie par un tigre, s'élança comme une flèche au-dessus de la rivière, expulsa son petit faon dans l'eau et se fracassa sur l'autre rive. Le faon allait se noyer certainement. Le Sannyasin hésitait à interrompre sa méditation. Redescendre de si haut pour un animal ! Pourtant, sans réfléchir plus, il se jeta spontanément dans l'eau et rapporta chez lui le petit faon. Il fallut le nourrir, aller chercher du lait au village, l'héberger la nuit. Quelques années passèrent. Le faon gambadait à son aise, partait dans la journée, et le vieil homme se replongea dans sa quête d'absolu. Mais, au fond de son âme, il rencontrait l'image du faon dans la clairière et l'ombre du tigre rôdant bien près, bien trop près. Il attendait alors avec impatience son retour rassurant, pour pouvoir méditer en sécurité.
L'heure de sa mort sonna. Allongé sur sa couche, il se préparait à partir loin et haut, la conscience détachée, élevée, concentrée uniquement sur l'absolu pour triompher enfin de l'existence et être enfin éternellement libéré. En cet instant ultime et sacré, le faon  lui lécha les pieds, alors, fondant d'amour pour ce petit être qu'il allait abandonner, il se demanda douloureusement qui, demain, s'occuperait de lui. Il mourut avec cette pensée. Et bientôt, dans une autre existence, il se trouva réincarné en  ...biche."    Conte indien traduit du sanscrit.

 
b. Bouddhisme

La philosophie bouddhiste propose une conception très originale du bonheur :  le nirvana.
A partir d'une analyse très fine de la douleur, des différents types de souffrance, il apparaît que les racines du "mal" sont l'ignorance de ce qu'est le monde qui nous entoure et les désirs en général, sous-tendus par le désir fondamental d'exister .
Nous ne savons pas que notre esprit est constamment voilé par les illusions, en particulier l'illusion de la consistance des êtres et des choses. En effet, rien n'existe "en soi", tout est éphémère, impermanent. Notre "moi" qui est lui-même une construction illusoire, désire d'autres êtres, des objets ou même des états, (eux-mêmes tout aussi illusoires) pour obtenir le plaisir. Ce plaisir, quand il est obtenu, est à son tour éphémère, et illusoire, condamné à disparaître, et donc à engendrer à son tour une autre souffrance, et ainsi de suite. La solution consiste à se guérir, par la méditation silencieuse, de la "soif d'exister", et à chercher refuge dans un "lâcher-prise", c'est-à-dire l'extinction du désir et de l'ego, tout en restant plein de compassion pour tous ceux qui souffrent. C'est à cette seule condition que l'on peut se libérer de la douleur et connaître cet état de "Nirvana",  luminosité pure, bonheur absolu, qui n'est pas le néant, mais dont on ne peut rien dire qui soit compréhensible pour ceux qui sont encore dans l'illusion (c'est-à-dire nous tous !). Il faut en faire l'expérience, mais elle n'est pas communicable par le langage parce que elle est au-delà des catégories habituelles de la pensée et du langage.

Le bonheur est-il la seule valeur que l'homme doit se proposer, ou d'autres valeurs lui sont-elles supérieures ?

D.Desbornes. 2009