Découverte de la philosophie
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Herméneutique
Essais d'interprétation

1. Le conte du Petit Poucet

2. Prométhée

3. L'Allégorie de la Caverne

4. La Genèse

5. Eve

6. Conte Indien : Le sage et le faon

 

1. Le conte du Petit Poucet

(Lire le conte à la fin de l'interprétation)

Dans le passé, les grands Sages qui ont découvert (ou inventé ?) Le Sens de la vie, avaient coutume de s'exprimer à travers un langage métaphorique. Moïse, Bouddha, Socrate, Jésus utilisaient des paraboles. De nombreux Sages anonymes ont transmis un enseignement dans les contes et les mythes.

Leur esprit a-t-il été capable d'accéder à une longueur d'onde différente de la nôtre et d'entrer en résonance avec des informations sur l'univers ou bien leur découverte n'est-elle qu'une projection de leur esprit ?  Nous n'avons pas de réponse à cette question.

On retrouve mention du Petit Poucet dans des textes très anciens de l'Inde et de la Chine. Grimm et Perrault ont transcrit des contes qui jusque là étaient transmis oralement. Il est tout à fait possible qu'au cours des millénaires des petites déformations ou des détails se soient ajoutés au récit originel. Cette interprétation n'en tient pas compte, elle se réfère à la trame du récit. C'est en étudiant l'Allégorie de la Caverne de Socrate dans La République de Platon que l'analogie avec l'histoire de Petit Poucet m'est apparue.

Ce conte est initiatique, il demande à être décrypté. Il parle de l'essence et du destin de l'être humain. Le Petit Poucet et ses 6 frères représentent à la fois l'être humain dans sa singularité et le genre humain dans son universalité.

"Le bûcheron et la bûcheronne" symbolisent les deux énergies fondamentales, complémentaires, indispensables à l'engendrement de la vie humaine : le masculin et le féminin. Chaque être humain est constitué de ces deux énergies  (Animus et Anima selon la terminologie de Jung).

En même temps en entrant dans le monde manifesté, nous entrons dans la dualité.

Ils engendrent 7 enfants (pourquoi seulement des garçons ?). L'être humain est constitué de 7 "strates" ou "enveloppes" ou "véhicules" ou "niveaux d'existence" ou "énergies vibratoires". Selon la théorie orientale du Yoga, il existe 7 centres d'énergie nommés Çakras. La conscience peut les activer et faire circuler la "Kundalini" (énergie cosmique endormie dans la structure énergétique humaine dans le cakra de la base de la colonne vertébrale).

"Le Sept, c'est le chiffre de la création"

Les 7 frères diffèrent par leur essence. Le plus grand dans le monde visible est le moins important dans le monde invisible. Et la hiérarchie s'inverse dans le monde invisible. "Les premiers seront les derniers" est-il dit dans  L'Evangile.

1. Le premier frère, le plus grand dans le monde matériel symbolise l'élément "terre", le monde solide, le corps physique, visible, la peau et les os, la matérialité de l'être humain et les besoins du corps : nourriture, reproduction. (On vit plusieurs semaines sans manger …)

Sur le plan de l'humanité l'univers du premier frère est celui des reproducteurs, des bâtisseurs, des créateurs de richesses matérielles …
Le premier frère correspond au centre racine où siègent la Kundalini, et les désirs physiques vitaux.

2. Le deuxième frère, symbolise l'élément "eau", le monde liquide, les "humeurs". (Celui-ci pourrait être une fille !)

Au sens propre c'est le plasma, le sang et tous les autres liquides … qui constituent 90 % du corps humain. (On ne vit que 2 ou 3 jours sans boire.)  Au sens figuré se sont les émotions, l'imagination ce qu'on appelle l'âme du poète.

L'univers du deuxième frère est celui des artistes et  créateurs d'images.

Il correspond au çakra sacro-coccygien que les Japonais nomment le "Hara", situé dans le ventre légèrement en dessous du nombril, siège des émotions.

3. Le troisième frère, symbolise l'élément "air", le monde des échanges,  des idées. Il représente le mental, la pensée, la cérébralité, l'intelligence. On dit de la pensée  qu'elle est aérienne. Les paroles sont produites à l'aide du souffle et circulent dans l'air. (On ne peut pas vivre plus de 5 minutes sans air).

L'univers du troisième frère est celui des intellectuels qui traduisent le monde en idées et en paroles en écriture.

Il correspond au Çakra du plexus solaire, qui contrôle aussi la respiration, le souffle.

Ces 3 niveaux correspondent au monde dit "matériel", (la terre, eau, et air) qui est constitué d'atomes, particules tournoyant autour d'un noyau dans le vide.

4. Le quatrième frère, symbolise l'élément "feu" que les Anciens nommaient aussi "Premier éther". Il représente la chaleur. Au sens propre l'être humain  vit dans une atmosphère chaude, 37° c'est très chaud par rapport à la température de l'univers de – 273 °. Au sens figuré, la chaleur représente l'affect, le sentiment, les passions, l'amour.

L'univers du quatrième frère est celui des philanthropes, des êtres dont la vie exprime un élan d'amour, de charité de compassion pour le genre humain. Il s'agit ici du Çakra cardiaque, l'énergie du cœur, l'Amour.

5. Le cinquième frère symbolise le "deuxième éther", c'est peut-être l'ensembles des forces qui induisent le "mouvement". Tout bouge, selon des rythmes ou des périodicités, dans notre corps, et dans le monde, les galaxies, les astres et les particules à l'intérieur des atomes.

Il représente l'ensemble des hommes qui ont fait bouger le monde, les grands législateurs, fondateurs de civilisation.
C'est le Çakra laryngé, c'est à dire à la force du verbe, parole qui impulse un acte.

Ces mouvements sont engendrés par des forces cosmiques.

[Les cosmologues en ont repéré 4. Ils les nomment "conditions initiales". Elles assurent dés le départ l'organisation rigoureuse du cosmos.

"La force nucléaire forte est responsable de la cohésion des noyaux atomiques. Elle est la colle qui lie ensemble les protons et les neutrons constituant ces noyaux ainsi que les quarks…

La force nucléaire faible est responsable de la radioactivité, c'est-à-dire de la transmutation de noyaux d'atomes qui perdent spontanément de leur masse en émettant des particules ou des rayonnements électromagnétiques. […] Son champ d'action (…) n'est que le dixième de celui de la force forte.

La force électromagnétique tient ensemble les atomes, les molécules et les doubles hélices de l'ADN. (…) C'est elle qui est responsable de la forme d'un pétale de rose. (…)Elle confère de la solidité aux choses…

La force de gravité nous colle à la terre (…) Son domaine d'action s'étend à l'univers entier. C'est elle qui est responsable de son architecture….." T.X.Thuan

Ces quatre forces et une quinzaine de constantes physiques assurent le réglage de l'univers.

Ce réglage est d'une précision stupéfiante (mathématiquement) et parfait. L'équilibre entre la force explosive (centrifuge) du big-bang et la force gravitationnelle (centripète) qui ralentit le mouvement est presque miraculeux. Si l'on changeait à peine l'intensité des forces, l'univers serait stérile ou se désagrégerait immédiatement. T.X.Thuan affirme que le réglage de la densité de l'univers à son commencement a une précision de 10-60.

Actuellement, la "théorie des cordes" est une hypothèse qui unifierait les 4 forces initiales.
Les briques fondamentales de l'Univers ne seraient pas des particules ponctuelles mais des sortes de cordelettes vibrantes immatérielles possédant une tension, à la manière d'un élastique.]

6. Le sixième frère symbolise le "troisième éther" ? Serait-ce l'Information ?

Des milliards d'ondes électromagnétiques circulent dans le "vide". Elles sont porteuses d'informations codées. Il existe des milliards de "logiciels" invisibles qui définissent et organisent chaque type d'être : pierre, cristal, métaux, arbres, feuilles, fleurs, animaux, êtres humains. Il n'y a pas deux êtres absolument identiques dans l'univers.

Les grands voyants sont ceux qui savent capter directement les informations qui circulent entre les êtres. On les dit doués d'une intuition supra-rationnelle.

Il correspond au Cakra frontal, situé entre le deux yeux, nommé aussi "Troisième œil", celui des "voyants".

Une cause inconnue et prodigieuse vient combiner et torsader des milliards de cellules : l'ADN par exemple. L'ADN, le "code" génétique est non seulement une banque de données colossale, mais il possède aussi la capacité ("ARN messager") de fabriquer des êtres vivants conformes à ces données. Les informations qui viennent de l'intérieur et de l'extérieur sont, elles aussi,"codées" dans le corps.
[Le biologiste Ruppert Sheldrake suggère que la nature des choses dépend de champs organisateurs : "les champs morphiques". "Ils sont connus de la physique. Ce sont des régions d'influence non matérielles s'étendant dans l'espace et se prolongeant dans le temps. […]  Ce sont des schèmes (des logiciels sans supports) d'influence, organisateurs potentiels, susceptibles de se manifester à nouveau, en d'autres temps, en d'autres lieux, partout où et à chaque fois que, les conditions physiques seront appropriées." R. Sheldrake. Cette théorie n'est pas encore vérifiée, ni falsifiée.]

Les choses ont l'air de se passer comme si un Langage à la puissance x ?, une gigantesque "banque de données" présidait à l'apparition du monde.

Cela pourrait ressembler à ce que les croyants appellent le "Verbe". (Cf. le texte de saint Jean "Au commencement était le Verbe"), c'est à dire un langage, un code, qui a le pouvoir, à la fois, de signifier un être (de le définir) et d'agir en lui donnant sa propre existence. Ce Verbe n'a rien à voir avec la parole produite par la pensée dont l'efficacité serait plus proche de celle d'une bulle, il serait plus en rapport avec la parole qui donne un ordre venant de la volonté …

Il est probable que différentes "mémoires" (traces ou engrammes du passé) s'enregistrent d'une manière codée dans cette "banque de données" l'enrichissant ou la parasitant : mémoire "akashique" des Hindous, (archives de toutes les expériences humaines individuelles et collectives du passé), équivalente du "Grand Livre" de Dieu, "mémoire cellulaire", "mémoire transgénérationnelle", "mémoire du corps" etc.

Si la structure de l'univers est fractale ou holographique, cette "banque de données" est partout, c'est à dire dans chaque atome et dans chaque cellule…

Anthropologues et psychanalystes s'accordent sur le constat que, fondamentalement, "l'homme est langage". (Lévi-Strauss, Lacan).
Cela pourrait-il signifier que l'être humain est le produit du mélange de toutes ces informations ?
 
7. Enfin, le septénaire, le Petit Poucet atypique, minuscule, qui reste "éveillé" tandis que les autres dorment. Invisible, il est caché "sous l'escabelle de son père pour les écouter sans être vu". Non seulement il n'est pas pris en considération, mais il est maltraité. Pourtant c'est lui qui anime et guide la fratrie, il peut aussi s'en séparer. Il représente l'Esprit : parcelle de conscience ? De lumière ? Parcelle de divinité ? 

Il est ce qui résiste à toute analyse et à toute définition, parce qu'il se situe au-delà du champ de l'observation, il est immatériel et invisible. Le mental ne peut en saisir l'essence. Si le corps est du côté du "vide", l'esprit est-il du côté du "plein", un être d'une densité ontologique absolue ?

Il correspond au Çakra coronal, situé légèrement au-dessus de la tête. Lorsque la conscience y accède elle atteint l'illumination. (On dit que chez le Bouddha, l'expression de cette énergie a été si puissante qu'elle a produit une "bosse" à cet endroit du crâne : la bosse de l'illumination ! )

Ce serait l'univers des purs esprits, Anges ou Sages ?

[Sur l'importance du nombre 7 dans la pensée traditionnelle, voir Le dictionnaire des symboles, Chevalier et Gheerbrant, à l'article "sept".
Il y a plusieurs divergences sur le parallélisme entre les différents niveaux de l'être, et les couleurs. Les divergences sont encore plus grandes lorsqu'il s'agit d'établir des correspondances entre les 7 métaux de l'alchimie, les 7 planètes, les 7 jours de la semaine, les 7 pierres précieuses, les 7 notes de musique etc.]

Pour résumer cette analyse et respecter une hiérarchie axiologique (valeurs), il convient d'inverser l'ordre de notre description et de placer le Poucet en premier (voir le tableau récapitulatif en fin de texte). 

[La conception matérialiste s'inscrit en faux contre cette vision de l'univers puisqu'elle affirme que la pensée (dans laquelle elle englobe confusément ce que les Anciens distinguaient avec nuances : l'âme, la pensée, l'esprit …) est un produit de la matière.]
 Lançons-nous dans une hypothèse audacieuse et peut-être un peu folle …

Les scientifiques (Hubert Reeves) découvrent que l'univers est constitué de plus de 99,99 %"matière noire", cette "matière" est immatérielle et dite "noire" parce qu'elle reste "obscure" à notre entendement, donc totalement inconnue.)
Pourrait-elle être la somme des esprits de l'univers ?  Est-ce ce que les croyants  nomment Dieu ?

Les parents n'ont plus de pain, ils sont pauvres c'est à dire ignorants.

Les enfants sont "abandonnés" dans une forêt dense, sombre, condamnés à l'errance et à la mort. Les loups rôdent, ils en entendent les hurlements. L'être humain par sa naissance est propulsé et enfermé comme dans une sorte de "matrice", (une "caverne" d'après Socrate) dans un univers infini, sans lumière (= vérité), sans repère, et sans protection contre son hostilité (les loups).  Il est destiné à être anéanti par la mort.

La nature n'a pas de quoi nourrir les besoins essentiels de l'être humain. L'esprit a faim de connaissance de vérité. Une fois lancé dans le monde matériel l'être humain ne trouve aucune réponse à ses interrogations fondamentales : "Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ?" L'univers est opaque et silencieux. La seule certitude qui soit donnée à l'être humain est celle de sa finitude. Les enfants ont "faim et peur" : l'être humain est douloureusement piégé dans son angoisse existentielle. La vie lui semble absurde.

La première tentative de l'esprit : semer des petits cailloux le long du chemin.

Le terme caillou vient du latin "calculus". Les Anciens se servaient de petits cailloux pour calculer. Le terme "calcul" signifie donc d'abord caillou, une petite pierre, (cf. les calculs de la vésicule biliaire) et ensuite une opération mathématique. Les cailloux disposés sur le sol dans un ordre régulier, sont le symbole d'un enchaînement logique de raisonnements mathématiques.. Dans un premier temps, l'esprit cherche des réponses logiques pour sortir de son errance et se repérer dans l'univers. L'intelligence produit la science, grâce à laquelle nous trouvons des repères dans l'univers, le monde nous devient plus compréhensible. La cosmologie nous explique le commencement de l'univers, la biologie et la génétique le commencement de la vie, et de l'être  humain. Apparemment nous devrions pouvoir nous nourrir de ces connaissances.

Le mythe nous dit qu'elles sont insuffisantes. Les enfants reviennent à leur point de départ et il n'y a toujours pas de quoi les nourrir.
En effet, la science permet de comprendre le "comment", le fonctionnement des choses, mais elle ne nous éclaire pas sur le "pourquoi", sur le sens véritable de notre existence dans le monde.

C'est pourquoi les petits cailloux deviennent tout naturellement des miettes de pain qui  s'évanouissent et ne mènent finalement nulle part. Cela traduit la "vanité", le vide des réponses de la science par rapport à notre quête de Sens. Les enfants à peine revenus à la case "départ" sont à nouveau abandonnés. Non seulement la science ne calme pas notre angoisse existentielle, mais elle l'exacerbe. La cosmologie nous effraie, elle nous montre que nous sommes encore plus perdus que nous ne le pensions dans un univers tournoyant dont nous ne voyons plus les limites. 

Après avoir erré dans la forêt et dans la nuit, seul le Poucet comprend que le salut ne réside pas dans ce cheminement horizontal. Il verticalise sa quête. Il "grimpe au sommet d'un arbre", tandis que ses frères restent au sol. Cela ressemble sot à une technique de méditation, soit à une expérience de "décorporation" dans laquelle l'esprit se détache du corps. Cette expérience est décrite par tous ceux qui ont vécu une NDE (Near Death Expérience ou EMI, expérience de mort imminente).

Le Poucet aperçoit, au loin, une petite lumière. Ce n'est pas encore La Vérité, mais une information sur l'orientation à suivre. Le Petit Poucet redescend de son arbre et chemine difficilement avec ses frères dans cette direction. Peut-être cela signifie-t-il qu'une discipline du corps est nécessaire à la réussite de cette quête ?

Cette lumière conduit à la maison de L'Ogre. L'ogre est un être qui dévore ce qu'il a engendré. Dans ce conte, il dévore ses filles. Il symbolise le temps puisque grâce au temps nous pouvons naître, mais à cause du temps nous allons vieillir et être engloutis dans la mort. Dans la mythologie grecque l'ogre est représenté par Chronos (le temps), le dieu qui avale ses enfants. La première vérité que le Poucet découvre c'est l'essence du temps qui annihile tout ce qui est matériel.

Ce qui est très surprenant dans ce conte, c'est l'assimilation de l'ogre à l'espace : "il chausse les bottes de 7 lieues" !

[ Ce n'est qu'au début du XX° siècle qu'Einstein explique dans la Théorie de la Relativité qu'on ne peut pas séparer l'espace et le temps. L'univers est spatio-temporel. "Le monde est un continuum quadri-dimensionnel : les trois dimensions de l'espace, et celle du temps".  Ce qui implique : 1. Qu'un corps qui se meut se contracte dans le sens du mouvement de translation. 2. Que le temps s'accélère si la vitesse ralentit, et inversement le temps ralentit si la vitesse s'accélère.]

Il devient logique que la mission du Poucet soit de "tuer" l'ogre, c'est à dire de le dépasser, même si ce meurtre est absent dans le conte de Perrault. Pourrait-il lui prendre ses bottes sans le tuer ?  L'ogre mort et les bottes de 7 lieues aux pieds, le Poucet sort du temps et acquiert un don d'ubiquité. Mais cela peut vouloir dire aussi qu'il a été capable de ruser avec le temps, de sortir de l'enfermement, des contraintes de l'espace et du temps et de la prison de son corps. Il accède au monde non manifesté.

 Il rencontre le Roi, qui symbolise l'absolu, le principe qui gouverne l'univers, le divin pour les croyants. Ce pourrait être une extase mystique. Les grands mystiques la décrivent comme l'expérience d'un contact avec une réalité si intense et si lumineuse qu'elle les comble de joie et qu'elle répond instantanément à toutes leurs interrogations et dévoile Le Sens de tout ce qui est.

Dans le conte le roi lui offre beaucoup d'argent, on peut imaginer cette richesse sous la forme de grands sacs pleins de pièces d'or …

Le Petit Poucet peut alors revenir vers les siens et distribuer sa richesse. Il est devenu un Sage qui transmet,  éclaire et "nourrit" l'humanité en lui révélant le sens de son existence.

Problème : L'esprit est-il capable d'accéder à un au-delà des apparences, à une vérité ontologique ?

Ou bien son désespoir en face du mystère de son destin produit-il une hallucination de sens, un feu d'artifice qui désintègre les doutes de son mental ?

Les philosophies de l'absurde font-elles preuve de lucidité ou de cécité spirituelle ?

Notre besoin de sens correspond-t-il à une réalité du sens ou bien est-il sans objet ?

Il n'y a pas de réponse à ces questions.
  
Bibliographie succincte : Le Dictionnaire des Symboles Chevalier et Gheerbrant, Encyclopédie des symboles sous la direction de M.Cazenave, Le Yoga, Mircéa Eliade, Le symbolisme des contes de fées, Loeffler et Delachaux, édition Arche. Encyclopédie Universalis.

Conte du petit Poucet.      Tableau

 

Personnages
Interprétation
Explications du
Professeur
Facultés del'individu
Fonctions dans la société
Couleurs / Notes

Septenaire:
    
   le Poucet.

 
 
    ESPRIT

     
   "parcelle de divinité".

Esprit.

Partie immortelle.

Purs esprits ?
 Hors du monde visible. Monde divin."Anges" pour les croyants 

    BLANC.

       Si.

6ème frère.

"3ème ether"

         

  Vibration.
Influx nerveux.
Electricité dans nos neurones.

Intuition.

Conscience
suprarationnelle.

 

    SAGES

 VIOLET ?

       La.

5ème frère.

"2ème ether" 

         

  Mouvement
  
    Rythme.
Tout bouge dans notre corps.

Volonté.

= commencer une action.

Grands fondateurs de civilisations.

   BLEU ?

      Sol.

4ème frère.

  "1er Ether" =
 
       "feu"

      Chaleur.
 
A peu près 37°

Sentiment

AMOUR.

Grands
Philanthropes,
= amour de l'humanité.

   VERT ?

      Fa.

3ème frère.

  gazeux =

       "air"

    Oxygène.

(Onvit 5 mn sans respirer).

Mental

Cérébralité.
Intelligence logique. raison.

Intellectuels

Traduisent le monde en paroles

   JAUNE ?

     Mi.

2ème frère.

   Liquide =

      "eau"

Les "humeurs"
Plasma, sang...
= 90 % du corps.
(On vit 2 jours sans boire).

Emotions

Imagination.
"âme" du poète.

 

ARTISTES.

Créateurs d'images.

ORANGE ?
 
     Ré.

1er frère.

Solide =

     "terre"

Matière, corps physique.
os, peau.
(On vit plusieurs semaines sans manger).

Sensations

(cinq sens)
Besoins
Désirs
(nourrir le corps, le reproduire.)

ARTISANS.

Bâtisseurs, créateurs de richesses.

ROUGE ?

   Do.

Ce tableau est reconstitué à partir de plusieurs ouvrages : Le Dictionnaire des Symboles, J. Chevalier et A. Gheerbrant, L'Encyclopédie des symboles, H. Biedermann, Le Yoga, Mircéa Eliade, Le symbolisme des contes de fées, Loeffler et Delachaux, édition Arche.

Il y a plusieurs divergences sur le parallélisme entre les différents niveaux de l'être, et les couleurs. Les divergences sont encore plus grandes lorsqu'il s'agit d'établir des correspondances entre les 7 métaux de l'alchimie, les 7 planètes, les 7 jours de la semaine, les 7 pierres précieuses.  

D.Desbornes 2012

Le conte

Le Petit Poucet  de Charles Perrault (copié depuis un site Internet)

"Il était une fois un Bûcheron et une Bûcheronne qui avaient sept enfants tous Garçons. L'aîné n'avait que dix ans, et le plus jeune n'en avait que sept. On s'étonnera que le Bûcheron ait eu tant d'enfants en si peu de temps; mais c'est que sa femme allait vite en besogne, et n'en faisait pas moins que deux à la fois. Ils étaient fort pauvres, et leurs sept enfants les incommodaient beaucoup, parce qu'aucun d'eux ne pouvait encore gagner sa vie. Ce qui les chagrinait encore, c'est que le plus jeune était fort délicat et ne disait mot : prenant pour bêtise ce qui était une marque de la bonté de son esprit. Il était fort petit, et quand il vint au monde, il n'était guère plus gros que le pouce, ce qui fit que l'on l'appela le petit Poucet. Ce pauvre enfant était le souffre-douleur de la maison, et on lui donnait toujours le tort. Cependant il était le plus fin, et le plus avisé de tous ses frères, et s'il parlait peu, il écoutait beaucoup. Il vint une année très fâcheuse, et la famine fut si grande, que ces pauvres gens résolurent de se défaire de leurs enfants. Un soir que ces enfants étaient couchés, et que le Bûcheron était auprès du feu avec sa femme, il lui dit, le cœur serré de douleur :

Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants ; je ne saurais les voir mourir de faim devant mes yeux, et je suis résolu de les mener perdre demain au bois, ce qui sera aisé, car tandis qu'ils s'amuseront à fagoter, nous n'avons qu'à nous enfuir sans qu'ils nous voient.

Ah ! s'écria la Bûcheronne, pourrais-tu bien toi-même mener perdre tes enfants ? Son mari avait beau lui représenter leur grande pauvreté, elle ne pouvait y consentir, elle était pauvre, mais elle était leur mère. Cependant ayant considéré quelle douleur ce leur serait de les voir mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant. Le petit Poucet ouït tout ce qu'ils dirent, car ayant entendu de dedans son lit qu'ils parlaient d'affaires, il s'était levé doucement, et s'était glissé sous l'escabelle de son père pour les écouter sans être vu. Il alla se coucher et ne dormit point le reste de la nuit, songeant à ce qu'il avait à faire. Il se leva de bon matin, et alla au bord d'un ruisseau, où il emplit ses poches de petits cailloux blancs, et ensuite revint à la maison. On partit, et le petit Poucet ne découvrit rien de tout ce qu'il savait à ses frères. Ils allèrent dans une forêt fort épaisse, où à dix pas de distance on ne se voyait pas l'un l'autre.

Le Bûcheron se mit à couper du bois et ses enfants à ramasser les broutilles pour faire des fagots. Le père et la mère, les voyant occupés à travailler, s'éloignèrent d'eux insensiblement, et puis s'enfuirent tout à coup par un petit sentier détourné. Lorsque ces enfants se virent seuls, ils se mirent à crier et à pleurer de toute leur force.

Le petit Poucet les laissait crier, sachant bien par où il reviendrait à la maison; car en marchant il avait laissé tomber le long du chemin les petits cailloux blancs qu'il avait dans ses poches. Il leur dit donc, ne craignez point, mes frères ; mon Père et ma Mère nous ont laissés ici, mais je vous ramènerai bien au logis, suivez-moi seulement. Ils le suivirent et il les mena jusqu'à leur maison par le même chemin qu'ils étaient venus dans la forêt. Ils n'osèrent d'abord entrer mais ils se mirent tous contre la porte pour écouter ce que disaient leur Père et leur Mère.

Dans le moment que le Bûcheron et la Bûcheronne arrivèrent chez eux, le Seigneur du Village leur envoya dix écus qu'il leur devait il y avait longtemps, et dont ils n'espéraient plus rien. Cela leur redonna la vie, car les pauvres gens mouraient de faim. Le Bûcheron envoya sur l'heure sa femme à la Boucherie. Comme il y avait longtemps qu'elle n'avait mangé, elle acheta trois fois plus de viande qu'il n'en fallait pour le souper de deux personnes. Lorsqu'ils furent rassasiés, la Bûcheronne dit, hélas! où sont maintenant nos pauvres enfants? Ils feraient bonne chère de ce qui nous reste là. Mais aussi, Guillaume, c'est toi qui les as voulu perdre ; j'avais bien dit que nous nous en repentirions. Que font-ils maintenant dans cette Forêt ? Hélas ! mon Dieu, les Loups les ont peut-être mangés! Tu es bien inhumain d'avoir perdu ainsi tes enfants. Le Bûcheron s'impatienta à la fin, car elle redit plus de vingt fois qu'ils s'en repentiraient et qu'elle l'avait bien dit. Il la menaça de la battre si elle ne se taisait. Ce n'est pas que le Bûcheron ne fût peut-être encore plus fâché que sa femme, mais c'est qu'elle lui rompait la tête, et qu'il était de l'humeur de beaucoup d'autres gens, qui aiment fort les femmes qui disent bien, mais qui trouvent très importunes celles qui ont toujours bien dit. La Bûcheronne était toute en pleurs: Hélas! où sont maintenant mes enfants, mes pauvres enfants? Elle le dit une fois si haut que les enfants qui étaient à la porte, l'ayant entendue, se mirent à crier tous ensemble : Nous voilà, nous voilà.

Elle courut vite leur ouvrir la porte, et leur dit en les embrassant, que je suis aise de vous revoir, mes chers enfants ! vous êtes bien las, et vous avez bien faim; et toi Pierrot, comme te voilà crotté, viens que je te débarbouille. Ce Pierrot était son fils aîné qu'elle aimait plus que tous les autres, parce qu'il était un peu rousseau, et qu'elle était un peu rousse. Ils se mirent à Table, et mangèrent d'un appétit qui faisait plaisir au Père et à la Mère, à qui ils racontaient la peur qu'ils avaient eue dans la Forêt en parlant presque toujours tous ensemble. Ces bonnes gens étaient ravis de revoir leurs enfants avec eux, et cette joie dura tant que les dix écus durèrent. Mais lorsque l'argent fut dépensé, ils retombèrent dans leur premier chagrin et résolurent de les perdre encore, et pour ne pas manquer leur coup, de les mener bien plus loin que la première fois. Ils ne purent parler de cela si secrètement qu'ils ne fussent entendus par le petit Poucet, qui fit son compte de sortir d'affaire comme il avait déjà fait ; mais quoiqu'il se fût levé de bon matin pour aller ramasser des petits cailloux, il ne put en venir à bout, car il trouva la porte de la maison fermée à double tour. Il ne savait que faire, lorsque la Bûcheronne leur ayant donné à chacun un morceau de pain pour leur déjeuner, il songea qu'il pourrait se servir de son pain au lieu de cailloux en le jetant par miettes le long des chemins où ils passeraient ; il le serra donc dans sa poche.

Le Père et la Mère les menèrent dans l'endroit de la Forêt le plus épais et le plus obscur, et dès qu'ils y furent, ils gagnèrent un faux-fuyant et les laissèrent là. Le petit Poucet ne s'en chagrina pas beaucoup, parce qu'il croyait retrouver aisément son chemin par le moyen de son pain qu'il avait semé partout où il avait passé ; mais il fut bien surpris lorsqu'il ne put en retrouver une seule miette; les Oiseaux étaient venus qui avaient tout mangé. Les voilà donc bien affligés, car plus ils marchaient, plus ils s'égaraient et s'enfonçaient dans la Forêt. La nuit vint, et il s'éleva un grand vent, qui leur faisait des peurs épouvantables. Ils croyaient n'entendre de tous côtés que des hurlements de Loups qui venaient à eux pour les manger. Ils n'osaient presque se parler ni tourner la tête. Il survint une grosse pluie qui les perça jusqu'aux os ; ils glissaient à chaque pas et tombaient dans la boue, d'où ils se relevaient tout crottés, ne sachant que faire de leurs mains.

Le petit Poucet grimpa au haut d'un Arbre pour voir s'il ne découvrait rien ; ayant tourné la tête de tous côtés, il vit une petite lueur comme d'une chandelle, mais qui était bien loin par-delà la Forêt. Il descendit de l'arbre ; et lorsqu'il fut à terre, il ne vit plus rien; cela le désola. Cependant, ayant marché quelque temps avec ses frères du côté qu'il avait vu la lumière, il la revit en sortant du Bois. Ils arrivèrent enfin à la maison où était cette chandelle, non sans bien des frayeurs, car souvent ils la perdaient de vue, ce qui leur arrivait toutes les fois qu'ils descendaient dans quelques fonds. Ils heurtèrent à la porte, et une bonne femme vint leur ouvrir. Elle leur demanda ce qu'ils voulaient ; le petit Poucet lui dit qu'ils étaient de pauvres enfants qui s'étaient perdus dans la Forêt, et qui demandaient à coucher par charité. Cette femme les voyant tous si jolis se mit à pleurer, et leur dit, hélas ! mes pauvres enfants, où êtes-vous venus ? Savez-vous bien que c'est ici la maison d'un ogre qui mange les petits enfants ? Hélas ! Madame, lui répondit le petit Poucet, qui tremblait de toute sa force aussi bien que ses frères, que ferons-nous? Il est bien sûr que les Loups de la Forêt ne manqueront pas de nous manger cette nuit, si vous ne voulez pas nous retirer chez vous. Et cela étant, nous aimons mieux que ce soit Monsieur qui nous mange ; peut-être qu'il aura pitié de nous, si vous voulez bien l'en prier. La femme de l'Ogre qui crut qu'elle pourrait les cacher à son mari jusqu'au lendemain matin, les laissa entrer et les mena se chauffer auprès d'un bon feu ; car il y avait un Mouton tout entier à la broche pour le souper de l'Ogre.

Comme ils commençaient à se chauffer, ils entendirent heurter trois ou quatre grands coups à la porte : c'était l'Ogre qui revenait. Aussitôt sa femme les fit cacher sous le lit et alla ouvrir la porte. L'Ogre demanda d'abord si le souper était prêt, et si on avait tiré du vin, et aussitôt se mit à table. Le Mouton était encore tout sanglant, mais il ne lui en sembla que meilleur. Il fleurait à droite et à gauche, disant qu'il sentait la chair fraîche. Il faut, lui dit sa femme, que ce soit ce Veau que je viens d'habiller que vous sentez. Je sens la chair fraîche, te dis-je encore une fois, reprit l'Ogre, en regardant sa femme de travers, et il y a ici quelque chose que je n'entends pas. En disant ces mots, il se leva de Table, et alla droit au lit. Ah, dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, maudite femme !

Je ne sais à quoi il tient que je ne te mange aussi ; bien t'en prend d'être une vieille bête. Voilà du Gibier qui me vient bien à propos pour traiter trois Ogres de mes amis qui doivent me venir voir ces jours ici. Il les tira de dessous le lit l'un après l'autre. Ces pauvres enfants se mirent à genoux en lui demandant pardon; mais ils avaient à faire au plus cruel de tous les Ogres, qui bien loin d'avoir de la pitié les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce serait là de friands morceaux lorsqu'elle leur aurait fait une bonne sauce. Il alla prendre un grand Couteau, et en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre qu'il tenait à sa main gauche. Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit : Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est? n'aurez-vous pas assez de temps demain matin ? Tais-toi, reprit l'Ogre, ils en seront plus mortifiés.

Mais vous avez encore là tant de viande, reprit sa femme ; voilà un Veau, deux Moutons et la moitié d'un Cochon ! Tu as raison, dit l'Ogre ; donne-leur bien à souper, afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher. La bonne femme fut ravie de joie, et leur porta bien à souper mais ils ne purent manger tant ils étaient saisis de peur. Pour l'Ogre, il se remit à boire, ravi d'avoir de quoi si bien régaler ses Amis. Il but une douzaine de coups plus qu'à l'ordinaire, ce qui lui donna un peu dans la tête, et l'obligea de s'aller coucher. L'Ogre avait sept filles, qui n'étaient encore que des enfants. Ces petites Ogresses avaient toutes le teint fort beau, parce qu'elles mangeaient de la chair fraîche comme leur père ; mais elles avaient de petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu et une fort grande bouche avec de longues dents fort aiguës et fort éloignées l'une de l'autre. Elles n'étaient pas encore fort méchantes ; mais elles promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants pour en sucer le sang. On les avait fait coucher de bonne heure, et elles étaient toutes sept dans un grand lit, ayant chacune une Couronne d'or sur la tête.

Il y avait dans la même Chambre un autre lit de la même grandeur, ce fut dans ce lit que la femme de l'Ogre mit coucher les sept garçons ; après quoi, elle s'alla coucher auprès de son mari. Le petit Poucet qui avait remarqué que les filles de l'Ogre avaient des Couronnes d'or sur la tête, et qui craignait qu'il ne prît à l'Ogre quelque remords de ne les avoir pas égorgés dès le soir même, se leva vers le milieu de la nuit, et prenant les bonnets de ses frères et le sien, il alla tout doucement les mettre sur la tête des sept filles de l'Ogre, après leur avoir ôté leurs couronnes d'or qu'il mit sur la tête de ses frères et sur la sienne, afin que l'Ogre les prît pour ses filles, et ses filles pour les garçons qu'il voulait égorger. La chose réussit comme il l'avait pensé ; car l'Ogre s'étant éveillé sur le minuit eut regret d'avoir différé au lendemain ce qu'il pouvait exécuter la veille ; il se jeta donc brusquement hors du lit, et prenant son grand Couteau, allons voir, dit-il, comment se portent nos petits drôles ; n'en faisons pas à deux fois. Il monta donc à tâtons à la Chambre de ses filles et s'approcha du lit où étaient les petits garçons, qui dormaient tous, excepté le petit Poucet, qui eut bien peur lorsqu'il sentit la main de l'Ogre qui lui tâtait la tête, comme il avait tâté celles de tous ses frères. L'Ogre, qui sentit les Couronnes d'or vraiment, dit-il, j'allais faire là un bel ouvrage ; je vois bien que je bus trop hier au soir Il alla ensuite au lit de ses filles, où ayant senti les petits bonnets des garçons, ah ! les voilà, dit-il, nos gaillards !

Travaillons hardiment. En disant ces mots, il coupa sans balancer la gorge à ses sept filles. Fort content de cette expédition, il alla se recoucher auprès de sa femme. Aussitôt que le petit Poucet entendit ronfler l'Ogre, il réveilla ses frères, et leur dit de s'habiller promptement et de le suivre. Ils descendirent doucement dans le Jardin, et sautèrent par-dessus les murailles. Ils coururent presque toute la nuit, toujours en tremblant et sans savoir où ils allaient. L'Ogre s'étant éveillé dit à sa femme, va-t'en là-haut habiller ces petits drôles d'hier soir ; l'Ogresse fut fort étonnée de la bonté de son mari, ne se doutant point de la manière qu'il entendait qu'elle les habillât, et croyant qu'il lui ordonnait de les aller vêtir elle monta en haut où elle fut bien surprise lorsqu'elle aperçut ses sept filles égorgées et nageant dans leur sang. Elle commença par s'évanouir (car c'est le premier expédient que trouvent presque toutes les femmes en pareilles rencontres).

L'Ogre, craignant que sa femme ne fût trop longtemps à faire la besogne dont il l'avait chargée, monta en haut pour lui aider. Il ne fut pas moins étonné que sa femme lorsqu'il vit cet affreux spectacle. Ah ! qu'ai-je fait? s'écria-t-il, ils me le payeront, les malheureux, et tout à l'heure. Il jeta aussitôt une potée d'eau dans le nez de sa femme et l'ayant fait revenir : Donne-moi vite mes bottes de sept lieues, lui dit-il, afin que j'aille les attraper.

Il se mit en campagne, et après avoir couru bien loin de tous côtés, enfin il entra dans le chemin où marchaient ces pauvres enfants qui n'étaient plus qu'à cent pas du logis de leur père. Ils virent l'Ogre qui allait de montagne en montagne, et qui traversait des rivières aussi aisément qu'il aurait fait le moindre ruisseau. Le petit Poucet, qui vit un Rocher creux proche le lieu où ils étaient, y fit cacher ses six frères, et s'y fourra aussi, regardant toujours ce que l'Ogre deviendrait.

L'Ogre qui se trouvait fort las du long chemin qu'il avait fait inutilement (car les bottes de sept lieues fatiguent fort leur homme), voulut se reposer, et par hasard il alla s'asseoir sur la roche où les petits garçons s'étaient cachés. Comme il n'en pouvait plus de fatigue, il s'endormit après s'être reposé quelque temps, et vint à ronfler si effroyablement que les pauvres enfants n'en eurent pas moins de peur que quand il tenait son grand couteau pour leur couper la gorge. Le petit Poucet en eut moins de peur, et dit à ses frères de s'enfuir promptement à la maison, pendant que l'Ogre dormait bien fort, et qu'ils ne se missent point en peine de lui. Ils crurent son conseil, et gagnèrent vite la maison. Le petit Poucet s'étant approché de l'Ogre, lui tira doucement ses bottes, et les mit aussitôt. Les bottes étaient fort grandes et fort larges; mais comme elles étaient Fées, elles avaient le don de s'agrandir et de s'apetisser selon la jambe de celui qui les chaussait, de sorte qu'elles se trouvèrent aussi justes à ses pieds et à ses jambes que si elles avaient été faites pour lui. Il alla droit à la maison de l'Ogre où il trouva sa femme qui pleurait auprès de ses filles égorgées. votre mari, lui dit le petit Poucet, est en grand danger, car il a été pris par une troupe de voleurs qui ont juré de le tuer s'il ne leur donne tout son or et tout son argent. Dans le moment qu'ils lui tenaient le poignard sur la gorge, il m'a aperçu et m'a prié de vous venir avertir de l'état où il est, et de vous dire de me donner tout ce qu'il a vaillant sans en rien retenir, parce qu'autrement ils le tueront sans miséricorde. Comme la chose presse beaucoup, il a voulu que je prisse ses bottes de sept lieues que voilà pour faire diligence, et aussi afin que vous ne croyiez pas que je sois un affronteur. La bonne femme fort effrayée lui donna aussitôt tout ce qu'elle avait car cet Ogre ne laissait pas d'être fort bon mari, quoiqu'il mangeât les petits enfants.

Le petit Poucet étant donc chargé de toutes les richesses de l'Ogre s'en revint au logis de son père, où il fut reçu avec bien de la joie.

Il y a bien des gens qui ne demeurent pas d'accord de cette dernière circonstance, et qui prétendent que le petit Poucet n'a jamais fait ce vol des bottes de sept lieues, parce qu'il ne s'en servait que pour courir après les petits enfants. Ces gens-là assurent le savoir de bonne part, et même pour avoir bu et mangé dans la maison du Bûcheron. Ils assurent que lorsque le petit Poucet eut chaussé les bottes de l'Ogre, il s'en alla à la Cour, où il savait qu'on était fort en peine d'une Armée qui était à deux cents lieues de là, et du succès d'une Bataille qu'on avait donnée. Il alla, disent-ils, trouver le Roi, et lui dit que s'il le souhaitait, il lui rapporterait des nouvelles de l'Armée avant la fin du jour. Le Roi lui promit une grosse somme d'argent s'il en venait à bout. Le petit Poucet rapporta des nouvelles dès le soir même, et cette première course l'ayant fait connaître, il gagnait tout ce qu'il voulait ; car le Roi le payait parfaitement bien pour porter ses ordres à l'Armée, et une infinité de Dames lui donnaient tout ce qu'il voulait pour avoir des nouvelles de leurs Amants, et ce fut là son plus grand gain. Il se trouvait quelques femmes qui le chargeaient de lettres pour leurs maris, mais elles le payaient si mal, et cela allait à si peu de chose, qu'il ne daignait mettre en ligne de compte ce qu'il gagnait de ce côté-là. Après avoir fait pendant quelque temps le métier de courrier, et y avoir amassé beaucoup de bien, il revint chez son père, où il n'est pas possible d'imaginer la joie qu'on eut de le revoir. Il mit toute sa famille à son aise. Il acheta des Offices de nouvelle création pour son père et pour ses frères ; et par là il les établit tous, et fit parfaitement bien sa cour en même temps."

2. Prométhée

*  L'AVENTURE PROMETHEENNE.

Les anciens Grecs ont imaginé ce que les hommes pouvaient devenir à cause ou grâce à la science et à la technique, c'est ce qu'on appelle l'aventure prométhéenne. Ce mythe nous met en garde contre de graves dangers liés à l'utilisation de la science et de la technique. Mais il se termine d'une manière très optimiste.

Généalogie

Japet est un titan, fils d'Ouranos et de Gaia, (= du ciel-esprit et de la terre-matière). Chronos est son frère.

Prométhée est le fils de Japet, un titan, et d'Asia (fille d'Océan), donc le petit-fils d'Ouranos et de Gaia. Zeus est le fils de Chronos, donc son cousin.

Mythe

Prométhée est le "prévoyant" (il possédait des dons de devin) : il connaît tout d’avance, il a tout prévu, contrairement à son frère, Épiméthée, "le maladroit", qui ne comprend qu’après. Dans un des mythes de la souveraineté, la puissance de Zeus est tenue en échec par le savoir de Prométhée qui en sait plus que tout dieu ou tout homme mortel. Par sa nature titanique, Prométhée est aussi associé très étroitement aux origines de l’homme et de l’humanité.

Prométhée passe pour avoir créé les premiers hommes, en les façonnant avec de la terre glaise. En Grèce, la condition humaine se définit à travers deux conflits qui opposent Prométhée à Zeus: la ruse du bœuf et le rapt du feu.

La ruse du bœuf

Les hommes qui partageaient autrefois la table des dieux se querellèrent avec eux. Pour régler le différend, Prométhée joue le rôle de médiateur, en remplissant les fonctions de héraut qui sont également celles d’Hermès dans le monde des dieux. Prométhée entreprend de sacrifier un bœuf énorme, amené par ses soins. L’animal est partagé en deux parts inégales: d’un côté, la viande cachée sous la peau peu appétissante du ventre de la bête, de l’autre, l’ensemble des os, mais recouverts d’une graisse brillante et de belle apparence. Prométhée qui a machiné ce partage frauduleux invite Zeus à choisir la part qui lui plaît le plus. Zeus, qui connaît la supercherie mais joue le jeu, répond à Prométhée en prenant les ossements cachés sous la graisse. D’un coup, la bile emplit son cœur : pour se venger, il imposera désormais aux hommes, favorisés par la tromperie de Prométhée, d’avoir besoin de se nourrir de chair et de sang et d’être ainsi condamnés à la vie brève. Ils sont ainsi radicalement séparés des dieux immortels, auxquels sont réservées les "supernourritures", ambroisie, nectar, fumets et odeurs.

Après ce partage sacrificiel, Zeus interdit aux hommes de faire usage du feu pour cuire les viandes et se nourrir.

Le rapt du feu

C’est alors que Prométhée s’en va voler le feu de Zeus "il déroba des semences de feu à la roue du soleil" et les apporta à l'humanité cachées dans une tige de férule. Une autre tradition veut qu'il ait dérobé ce feu à la forge d'Héphaïstos" (= aux enfers), pour en faire cadeau à l’humanité.

è Double punition de Zeus pour les hommes, et pour Prométhée.

1.  En échange de quoi Zeus, à son tour, envoie aux hommes un piège redoutable, auquel nul ne réussit à échapper. C’est la femme, la première, car dans l’âge d’or tout se passe entre hommes. Pandora (= Pandore) est un "beau mal", dit Hésiode. Les hommes la reçoivent avec joie, mais pour leur malheur. Car cette femme, désirable et séduisante, est curieuse. Elle n’a rien de plus pressé, une fois arrivée à destination, que de soulever le couvercle de la jarre où étaient enfermés les maux et les maladies. Depuis lors, les hommes sont condamnés à la vieillesse et à la mort et à tous les maux de la vie.

2.  Prométhée est, quant à lui, enchaîné par des liens d'acier, sur le Caucase. Un aigle lui dévore le foie qui renaît sans cesse. C'est un supplice.

° Héraclès, ( = Hercule, celui des 12 travaux), lorsqu'il passa dans la région du Caucase, perça d'une flèche l'aigle de Prométhée et délivra celui-ci. Zeus ne protesta pas (Héraclès était son fils), mais, il enjoignit à Prométhée de porter une bague faite avec l'acier de ses chaînes et un morceau du rocher sur lequel il était attaché.

° C'est à ce moment que le centaure Chiron, (d'où vient le mot "chirurgien", mais ici, guérisseur inguérissable), blessé par une flèche d'Héraclès, et souffrant sans répit, désira mourir. Comme il était immortel, il dut trouver mortel qui accepterait son immortalité. Prométhée accepta de lui rendre ce service et devint immortel à sa place, donc un dieu.

"Pour l’époque classique, Prométhée n’est pas un médiateur malheureux: il est celui qui par l’apport du feu et l’invention des différentes techniques a détourné les hommes de la bestialité et les a arrachés à la vie sauvage. Ce héros culturel, que la cité a mis au centre de sa vision progressiste, est la cible des sectateurs du cynisme, des contestataires qui le tiennent pour responsable de l’abandon de l’état de sauvagerie. Les cyniques sont antiprométhéens, ils protestent contre l’invention du feu, Ils prônent le manger cru et la vie simple des premiers hommes qui buvaient l’eau des sources et se nourrissaient de glands ramassés et de plantes cueillies.

Refuser Prométhée, c’est entreprendre de déconstruire une société et une civilisation dont le Porte-Feu a été le symbole et le héros." Encyclopedia universalis.

Le feu est le symbole de ce qui éclaire le monde : la science qui le rend intelligible et de ce qui permet de le transformer (la cuisson des aliments par exemple) : la technique.

Ce mythe nous montre que la science et la technique peuvent être bénéfiques (feu du ciel) ou maléfiques (feu de l'enfer).

1. Dans un premier temps l'aventure prométhéenne est tragique et douloureuse. L'homme attaché à la matière (enchaîné au rocher) et dévoré par sa volonté de puissance (aigle qui dévore le foie), perd sa liberté. Il est pris à son propre piège.

2. Hercule est celui qui à travers ses "12 travaux" a accompli un cycle complet de maturité, il a développé toutes ses facultés. Il représente une humanité qui ayant atteint le stade adulte renonce à sa volonté de puissance (Hercule tue l'aigle) et à son matérialisme (Prométhée est détaché du rocher).

3. Prométhée rencontre Chiron qui lui offre son immortalité.

L'histoire se termine merveilleusement bien et nous laisse tous les espoirs. La science et la technique feront un jour de nous des dieux.  

Le mythe de Prométhée, d'après Hésiode, le dictionnaire de Mythologie de Grimal et l'Encyclopédie Universelle édition 1998.

3. L'Allégorie de la Caverne

Voir aussi une interprétation dans la rubrique dans "Auteurs" à Platon

Il est possible et amusant de faire un exercice critique, sur l'allégorie de la Caverne.

En essayant de "lire" ce texte avec des regards différents de celui du philosophe qui l'a écrit, donc de trouver des angles, des perspectives, des points de vue différents qui peuvent faire surgir des significations inattendues.

Ce recul critique permet une distance, donc une liberté d'esprit plus grande.

En même temps, il est dangereux, car il risque de nous faire tomber dans une subjectivité totale. Donc, il conviendra de garder des "barrières", et de revenir constamment au texte pour en signaler les éléments qui "résistent" à l'interprétation.

Tentons ce jeu : Exercice à développer

 

 

EXERCICE D'INTERPRETATION. Sur la caverne

 

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caverne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

hommes
enchaînés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

obscurité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hommes
 libres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Univers
hiérarchisé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Soleil

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Messages

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Guide

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Montée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Libération

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
Caverne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Meurtre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1.  

Liste de quelques grilles possibles, à compléter.

1- Grille symbolique orientale cf. le cours sur la CONSCIENCE : les différents centres d'énergie qui correspondraient aux différents étages de la dialectique ascendante.

2- Grille bouddhiste.

Des êtres peuvent faire l'expérience de l'illumination, devenir des "boddhisattva", c'est-à-dire des êtres totalement réalisés, et plutôt que de gagner le nirvana, choisissent de revenir dans le monde aider les autres hommes.

"Grand véhicule" ou "petit véhicule" ?

Mais sont-ils assassinés ?

3- Grille chrétienne.

Le Christ ressemble-t-il à cet initié, choisi par le divin ?  A qui s'adresse-t-il ? Son message est-il entendu ? Se moque-t-on de lui ? Le crucifie-t-on ?

4- Lecture mystique.

L'échelle de Jacob, saint Jean de la Croix, sainte Thérèse d'Avila…, ne décrivent-ils pas leurs expériences du divin en des termes qui se rapprochent du texte de Platon?

5- Grille maçonnique cf. Mozart : La Flûte enchantée : parallélisme des symboles, le code musical.

6- Lecture marxiste.

La pensée de Platon n'est-elle pas le simple reflet des structures socio-politiques de son époque?  Lesquelles?

La société n'est-elle pas constituée de deux classes antagonistes, les dominants détenteurs des richesses donc de la liberté et du pouvoir, et les dominés impuissants, ignorants parce que pauvres? Le soleil n'est-il pas le symbole de l'or = de la richesse et de la puissance? Mais est-il "alimenté" par les prisonniers? Les pauvres peuvent-ils être libérés, s'enrichir et changer de classe ? Quelles sont les limites de la comparaison?

7- Lecture Psychanalytique (thèse d'Otto Rank : le traumatisme de la naissance).

8- Lecture freudienne :

a) Première topique : En quoi le schéma de l'allégorie ressemble-t-il à celui de la première topique ?

b) Le statut du névrosé : Celui qui est coincé dans ses chaînes n'est-il pas le névrosé inhibé? Comment et grâce à qui peut-il se libérer? Que peut ici représenter le soleil?

9- Lecture psychiatrique :

Celui qui est libéré, n'a-t-il pas quelques points communs avec le "fou"? D'ailleurs est-ce un hasard s'il est pris pour un "fou"? Quels pourraient être les signes de sa "folie"? Quel type de folie? En quoi les prisonniers installés bien confortablement dans leurs chaînes pourraient-ils être les gens "normaux"?

10- Lecture structuraliste :

Cf. les" trois niveaux" de Dumézil.

11- Lecture féministe.

Platon serait-il "machiste"?    Etudiez la symbolique de la caverne!

Le clivage hommes libres / prisonniers ne reflète-t-il pas le clivage homme / femme? Cf. L.Iriguaray. Le spéculum de l'autre femme.

12- Lecture "bio-génétique".

Le cheminement originel de la vie. La fécondation?

13- Lecture scientifique (Physique contemporaine). 

Hypothèse de plusieurs scientifiques : l'univers serait constitué de trois "étages". (Cf. D.Bohm, Pribram, cités dans le livre de R.Dutheil : L'homme super-lumineux, Sand, 1992.) La science conduirait à une vision platonicienne de l'univers.

1. Univers "sous-lumineux", matière, cerveau,  (= caverne).

2. Univers "lumineux" : photons, circulation des signaux dans le cortex,  (= univers intelligible contenant les essences).

3. "Univers super-lumineux", "tachyons", circulant "plus vite" que la lumière = information totale? = esprits, (= divin, au-delà de l'espace et du temps).

4. La Genèse

Voir Génèse

5. Eve

Question fondamentale pour déterminer non seulement l'identité sexuelle, le rapport homme femme, mais aussi et surtout la place de la femme dans la société. C'est, en effet, presque toujours en se référant au texte biblique que les religieux, les penseurs et même les psychanalystes contemporains ont répondu à ces questions au cours de l'histoire. A partir de la Bible donc, et pour des siècles, le statut de la femme est fixé. Or la place d'Eve est très ambiguë : d'abord supérieure et valorisée, elle est finalement réduite au silence et rétrogradée…pour des siècles !

Il faut distinguer trois moments bien distincts : celui de sa création et de son séjour au paradis, puis l'épisode de la transgression, enfin le destin que lui inflige Dieu à travers sa punition.

I.   La création d'Eve

Le premier humain créé par Dieu est Adam. Peut-être est-il à la fois "mâle et femelle", mais Eve n'existe pas encore. La création suit un axe de perfection croissante. Adam, créé en dernier et animé par le "souffle" divin c'est-à-dire par l'esprit même de Dieu, est au sommet dans l'échelle de la création. Or c'est encore après lui qu'Eve est créée. Donc elle serait encore plus parfaite.

Cependant, tirée d'une "côte"  d'Adam de son "os" et de sa "chair", elle n'est qu'un appendice de l'homme, une partie de lui, donc incomplète. Elle ne retrouve sa complétude qu'en s'unissant à Adam en "une seule et même chair". Le problème est le même pour Adam, délesté d'une partie de lui-même. Mais la relation n'est pas symétrique !

A moins que la "côte" ne soit en réalité le "côté" comme l'affirment des traducteurs. En ce cas, Adam aurait été coupé en deux, séparé de sa moitié féminine. Eve serait alors son double complémentaire, "assortie" à lui et parfaitement égale dans sa différence.

Mais un autre obstacle surgit. Eve a été créée "pour" Adam et non Adam pour Eve. Afin qu'Adam  ne soit plus seul, Dieu lui offre ce royal cadeau. Eve n'est-elle qu'un moyen pour augmenter le bonheur d'Adam au paradis ? Mais pourquoi la solitude d'Adam ne serait-elle "pas bonne" ?

Une autre traduction propose : "contre" ou "en face" , à la place de "côte" ou de "côté". Eve serait à la fois une limite au risque de toute puissance d'Adam s'il restait seul, et en même temps une interlocutrice permettant la communication. N'est-elle toujours qu'un "moyen" ou bien a-t-elle une force, un pouvoir supérieur à Adam pour pouvoir assumer ce rôle ? Son attitude au moment de la transgression permettra de répondre.

La supériorité d'Adam sur toutes les autres créatures se manifeste par son devoir et son pouvoir de les "nommer". Or, au moment où Eve est créée, c'est Adam qui lui donne un nom : "celle-ci sera appelée femme", puis plus tard, il l'appelle "Eve mère de tout vivant". Eve est silencieuse … jusqu'à sa rencontre avec le serpent.

Au pouvoir divin de nommer, le pouvoir tout aussi divin de donner la vie à tous les êtres humains n'est-il pas égal ? Eve d'ailleurs n'est-elle pas dans l'orgueil de la puissance lorsqu'elle affirme après la naissance de son premier enfant : "J'ai acquis un homme de par Yahvé", comme si Adam n'avait aucun rôle dans l'affaire ! La fécondité comme le langage viennent de Dieu, sur quel critère se fonder pour affirmer que l'un de ces deux "dons divins" est supérieur à l'autre ?

II. La tentation

De deuxième moment est plus explicite. C'est à Eve et non à Adam que le serpent s'adresse pour la tenter. On pourrait en déduire qu'elle est la plus faible, la plus docile. Mais ce n'est pas le cas. Elle résiste d'abord, elle conteste. C'est Adam, au contraire, qui se montre le plus docile. Il cède et avale sans discuter.

L'argument utilisé par le serpent pour persuader Eve est double : promesse de connaissance et promesse de toute puissance : "vos yeux se dessilleront et vous serez comme des dieux", et non plus seulement "ressemblants" à des dieux.  Devenir égale à Dieu tel est le désir d'Eve puisqu'elle cède. Cette promesse n'aurait eu aucun effet si Eve n'avait pas eu au fond d'elle ce germe de volonté de puissance. Il se pourrait, alors, que dans le couple, ce soit elle la dominante. Elle pense, elle parle, elle résiste, elle agit, elle influence énergiquement Adam. Elle n'a même pas à le convaincre, il suffit qu'elle lui tende le fruit, il ne dit rien, il ne proteste pas (c'est pourtant à lui que Dieu a donné l'ordre de ne pas toucher à l'arbre de la connaissance du bien et du mal). Soit il ne s'en souvient pas, soit l'autorité d'Eve est si forte qu'il l'avale silencieux et passif.

III. La punition de Dieu est éclairante

Dieu semble punir la transgression en fonction de la nature de chaque être.

-  Le serpent qui s'est dressé vers le haut dans une sorte de rivalité avec le divin, est condamné à l'horizontalité, à "ramper sur le sol". Ayant dominé la femme, il sera dominé par elle. "Elle le visera à la tête".

-  La passivité et la mollesse d'Adam sont sanctionnées par la condamnation à une activité épuisante : un labeur sans fin pour gagner son pain.

-  Enfin la punition infligée à Eve la meurtrit doublement : son pouvoir de donner la vie ne sera plus vécu dans une glorieuse jubilation mais dans l'écrasement de la souffrance de l'accouchement. Son pouvoir sur Adam est transformé en une impuissante infériorité. Elle sera "dominée" par lui, à l'égale des autres créatures de la nature "les oiseaux, les poissons, le bétail…." Elle y perd sa dignité, une partie de sa nature humaine (être supérieure à la nature), et sa liberté. Enfin son droit à la parole lui est implicitement contesté. En effet, Adam est puni certes pour avoir "mangé de l'arbre" interdit, mais d'abord "pour avoir écouté la voix de [sa] femme". Si c'est une faute pour l'homme d'écouter sa femme, il convient donc de la réduire au silence en ne tenant jamais compte de ses avis.

Le droit, la morale, les mœurs se fondant sur ce texte ont douloureusement privé les femmes de leur liberté la plus élémentaire.

Au XX°, la revendication des femmes à l'égalité est-elle pernicieuse et dangereuse pour les hommes, reflète-t-elle la quête d'un paradis perdu ou est-elle tout simplement juste ?

La référence exclusive à la Bible pour définir l'essence de la femme n'est-elle pas  contestable ? Ne faut-il pas nous dégager de cette rigidité conceptuelle qui emprisonne et les hommes et les femmes ? Pourquoi ne pas aller explorer dans la mythologie grecque toute  la variété des modèles féminins ?

Mais faut-il toujours chercher cette identité seulement dans le passé et seulement dans notre culture ? Les "sciences humaines" en particulier l'ethnologie qui nous montre la variété des cultures, et les sciences, la biologie surtout, nous ouvrent l'esprit sur des perspectives infiniment plus riches. 
 .
Où est la différence avec Adam ?

 Certes elle n'est pas faite comme Adam de "poussière", mais de chair vivante ou plutôt d'un os ! Cependant  Dieu ne lui donne pas son "haleine" c'est-à-dire son esprit. Est-elle à l'image de Dieu ou à l'image de l'homme ? Mais ne peut-on pas supposer que  formée de la substance d'Adam, elle reçoit aussi une parcelle de son esprit donc de l'esprit de Dieu ? Ou bien n'a-t-elle pas d'âme ?
Eve est-elle une partie d'Adam, faite de sa chair ou bien Eve est-elle une moitié d'Adam ?

Comment comprendre le sens du mot "côte". S'agit-il d'un petit bout d'os ou bien, comme nous le disent les exégètes contemporains, Adam a-t-il été coupé par le "côté" ? En effet, si le premier homme a été créé "mâle et femelle", donc hermaphrodite, l'opération de Dieu ne consiste-t-elle pas à le dédoubler en séparant en lui le masculin du féminin ? Eve ne serait pas alors un simple appendice d'Adam, mais son double complémentaire féminin.

D'ailleurs, il n'est pas dit que la femme doive quitter sa famille pour s'attacher à son mari, mais l'inverse. C'est l'homme qui va vers la femme et non la femme qui va vers l'homme, ce qui devrait être le cas si la femme n'était qu'une partie de l'homme.

Ce statut d'Eve dans la Bible est très problématique. Il a engendré de nombreux débats. L'affirmation selon laquelle un concile aurait été réuni à la Renaissance, le Concile de Trente, pour savoir si la femme avait une âme, est fausse. L'Eglise n'a jamais douté que les femmes eussent une âme, car si les femmes n'avaient pas d'âme, la Vierge mère du Christ n'aurait été qu'une femelle. Or il est impossible que Dieu soit né d'une bête ! Néanmoins de nombreux auteurs et philosophes se sont posé la question au Moyen Âge. L'ambiguïté de la nature d'Eve et son rôle dans la transgression ont induit toute une tradition sexiste. La femme est un être dangereux, bien trop proche du Diable !  

Pourquoi Eve est-elle créée ?  Pour qu'Adam ne soit plus seul, pour être sa compagne.

En effet, d'abord Dieu crée une "aide" pour Adam, c'est le monde animal. Mais au milieu de toutes les bêtes, Adam est encore seul. Il lui faut, pour mettre fin à sa solitude, un être qui lui soit "assorti", c'est-à-dire de même nature que lui.

Quel rôle Eve joue-t-elle au moment de la tentation ?

C'est à elle que le serpent s'adresse. Pourquoi à elle, puisque c'est à Adam que Dieu a donné cet ordre fondamental : "De l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n'en mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras" ?  Adam connaît l'interdit et la sanction de la désobéissance. Eve est-elle plus naïve ? Non. Le texte nous indique qu'Eve est parfaitement au courant de l'interdit, elle le répète au serpent.  Ou bien elle était présente au moment  où il a été formulé, ou bien Adam le lui a retransmis.

Comment s'y prend le serpent pour convaincre Eve.

- 1 Il ébranle sa foi en Dieu, en lui suggérant que Dieu est un menteur: "vous ne mourrez pas".

- 2 Mais surtout il lui fait miroiter un double bénéfice très important  :

La connaissance : "Vos yeux se dessilleront" c'est-à-dire vous ne serez plus aveugles, vous allez devenir intelligents, vous allez savoir ce que vous ne savez pas encore.

La toute-puissance : "Vous serez comme des dieux".

Faut-il en déduire une indication sur la nature féminine. Tout comme les hommes, les femmes désirent la puissance et la connaissance. Celles-ci sont liées.

Et Adam dans l'affaire ? Quelle est sa responsabilité ?

Eve a au moins tenté de résister au serpent, un court moment certes. Mais Adam ne réfléchit même pas. Il passe à l'acte sans aucune résistance, comme s'il avait déjà complètement oublié les avertissements divins. Eve lui donne le fruit défendu, et, sans rien dire il le mange ! Il se conduit comme un benêt, un être amnésique et irresponsable. Alors qu'il aurait dû, non seulement ne pas désobéir, mais aussi empêcher sa femme de commettre l'irréparable !

Qui des deux est le plus responsable ? Les sanctions divines nous donnent-elles des éclaircissements à ce sujet ? La punition infligée à Eve est de loin la plus sévère. En la condamnant à être dominée par Adam, Dieu la destitue et la place désormais au même étage que les animaux. Elle y perd son identité, sa dignité et sa liberté ! (A condition de penser que  la justice de Dieu se fonde sur un principe mathématique de proportionnalité, ce qui est loin d'être évident). 

La tradition, en tout cas, a fait payer très cher à Eve (à travers le mépris accordé aux femmes et les violences qui leur ont été faites) sa responsabilité du malheur de l'humanité.

6. Conte Indien : Le sage et le faon

"Un vieil homme ayant accompli tous ses devoirs terrestres, s'en alla dans la forêt, décida de s'offrir à Dieu, et devint un "sannyasin" (Le Sannyasin, en Inde, est un homme qui, ayant accompli tous ses devoirs familiaux et sociaux, abandonne tout, s'isole dans la forêt et se consacre à la quête de la perfection, c'est à dire de la sainteté.)

Là, dans un dépouillement extrême, des journées entières il pratiquait la méditation, tendu vers la perfection. Soudain, il fut interrompu et distrait par une scène insolite : une biche gravide, (= enceinte) poursuivie par un tigre, s'élança comme une flèche au-dessus de la rivière, expulsa son petit faon dans l'eau et se fracassa mortellement sur l'autre rive.

 Le faon allait se noyer certainement. Le Sannyasin hésitait à interrompre sa méditation. Redescendre de si haut pour un animal ! Pourtant, sans réfléchir plus, il se jeta spontanément dans l'eau et rapporta chez lui le petit faon. Il fallut le nourrir, aller chercher du lait au village, l'héberger la nuit…

Quelques années passèrent. Le faon gambadait à son aise, partait dans la journée, et le vieil homme se replongea dans sa quête d'absolu. Mais, au fond de son âme, il rencontrait l'image du faon dans la clairière et l'ombre du tigre rôdant bien près, bien trop près. Il attendait alors avec impatience son retour rassurant, pour pouvoir méditer en sécurité.

L'heure de sa mort sonna. Allongé sur sa couche, il se préparait à partir loin et haut, la conscience détachée, élevée, concentrée uniquement sur l'absolu pour triompher enfin de l'existence et être éternellement libéré. En cet instant ultime et sacré, le faon lui lécha les pieds, alors, fondant d'amour pour ce petit être qu'il allait abandonner, il se demanda douloureusement qui, demain, s'occuperait de lui. Il mourut avec cette pensée.

Et bientôt, dans une autre existence, il se trouva réincarné en ... biche."

Texte traduit du sanscrit..

Essai d'interprétation :

Comme dans un rêve, tous les êtres du conte représentent des énergies ou tendances émanant du personnage central.

Une biche – pole pulsionnel de douceur et d'humilité apparente -  habitée par un être en devenir (pleine d'un projet), s'élance sur l'autre rive. Le symbole de la quête de "l'autre rive" a trait à la mort. Le sannyasin est un homme tendu par le désir de réussir sa mort, c'est-à-dire de "passer de l'autre côté" dans un état de perfection absolue. Pour les Hindouistes, en effet, la qualité de la future incarnation dépend de l'état de conscience et de la dernière pensée au moment de la mort. Mais le mouvement de la biche est déterminé par celui du tigre. Un dynamisme en engendre un autre. Le tigre est une énergie agressive. C'est un instinct de toute puissance qui sous-tend l'humilité apparente de sa quête de perfection. Sauter "bien" et puissamment de l'autre côté, sur "l'autre rive". La quête d'absolu et de perfection est engendrée par une puissance féroce !

La biche est "gravide" c'est-à-dire porteuse de vie et d'avenir, de potentialité en germe. Au moment de la mort, à l'extrémité de la vie, la pensée de la mort est détournée par l'amour de la vie. Et finalement, la préparation à la mort donne naissance à la vie. Le germe de l'opposé surgit. Comme dans le Yin et le Yang, chaque dynamisme engendre son contraire. La violence de la quête fait émerger un contenu opposé : biche / tigre – homme / animal – vieillard / nouveau-né - violence/douceur - puissance / humilité – mort / vie.

Pour les Hindouistes, en se laissant aller à son affectivité, le vieil homme s'est détourné de la pureté de son esprit, a perdu toute son "avance" dans le cycle des réincarnations, il est donc revenu en arrière, dans le monde animal.

Pour les Bouddhistes, au contraire, sa véritable nature - douceur, amour, tendresse - a été occultée, étouffée, "refoulée" par son idéal de perfection, elle se révèle dans une situation de tension ultime.
Celle-ci a fait éclore sa véritable nature : la compassion et l'amour de l'autre. Il est maintenant en route dans sa voie authentique, celle de l'apprentissage de l'humilité et de la douceur.

D.Desbornes. 2009